LES EHPAD
Alors que le parquet de Paris a ouvert une enquête contre Orpea, l'ancien directeur général de l’Agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine revient sur les dysfonctionnements des Ehpad privés à but lucratif et sur les difficultés des ARS pour les contrer.
Comment expliquer qu’une telle dérive n’ait pas été décelée à l’échelon national et que les ARS aient échoué à l’endiguer ?
Pour une raison principalement idéologique,
Celle d’un État bienveillant qui a cessé d’exercer un contrôle régalien avec la dureté qu’il aurait dû avoir.
Les ARS étaient invitées à devenir plus accompagnatrices, partenaires avec les structures.
Par exemple, il fallait prévenir les établissements de notre venue en inspection, comme le préconisait le guide des bonnes pratiques de l’Igas ( Inspection générale des affaires sociales ) de 2019 : « Sauf cas très particuliers, prévenez avant d’arriver. » J’ai toujours considéré ça comme une forme de théorisation de l’impuissance a posteriori. Le laisser-faire était dans l’air du temps. L’inspection ne l’était plus. C’était l’État partenaire plutôt que contrôleur. Or, cette idée selon laquelle il fallait faire confiance à la responsabilité de chacun fut la porte ouverte aux dérives.
Depuis plusieurs années, l’optimisation des coûts, voire la rentabilité, se sont insérées dans la culture de la santé publique.
La rentabilité à tout prix n’était pas une option validée par les ARS. Mais la présence des établissements à but lucratif dans le secteur des personnes âgées était une question qu’on ne pouvait pas poser. Ce tabou, il faut le lever sans avoir d’idée préconçue.
Comment contenir ce glissement vers la rentabilité, ou au moins l’encadrer de façon plus drastique ?
Si on fait le parallèle entre hôpital public et cliniques privées, ces dernières sont tellement encadrées que de telles dérives ne seraient pas possibles.
On peut dire avec certitude que, dans les Ehpad publics, des phénomènes systémiques ne peuvent exister. En revanche, de manière ponctuelle, il peut y avoir de la maltraitance, oui. D’où les vertus de l’inspection. Nous avions établi il y a sept ou huit ans une liste des liens de causalité face à la maltraitance institutionnelle.
Ces dernières années les trois corps d’inspecteurs des ARS ont perdu 28 % de leurs effectifs.
« Cela a à voir avec l’idéologie dominante consistant à penser que diminuer le nombre de fonctionnaires est l’alpha et l’omega d’une politique. Le texte qui prévoyait des amendes n’a jamais fait l’objet d’un décret d’application. « Mais nous délivrons des injonctions. En tant qu’autorité de tutelle, nous avons, le devoir de saisir le procureur si nous constatons des faits susceptibles d’être qualifiés de délit »,
Les ARS partagent cette prérogative avec l’autre financeur (sur le volet social), les Départements. Les derniers travaux parlementaires pointent un manque de cohésion entre les deux administrations : « Il faut déplorer « la complexité ahurissante » d’un système dans lequel les compétences s’entremêlent entre administration centrale et administration territoriale...»