CLIMAT : Le METHANE.
La réduction rapide des émissions de Méthane permettrait de respecter l'accord sur le climat.
Le sujet est crucial. Moins connu que le CO, le méthane (CH4) est un puissant gaz à effet de serre, au pouvoir réchauffant 84 fois plus important que le CO2 sur vingt ans, et 28 fois supérieur sur un siècle. On lui doit 30% de la hausse des températures depuis la période pré-industrielle, calcule l'Agence internationale de l'énergie (IEA), qui estime les émissions mondiales de méthane à 580 millions de tonnes annuelles, dont 60% sont directement liées aux activités humaines.
PREUVES. Depuis 2019, les satellites de la start-up française Kayrros ont détecté plus de 6 000 grandes fuites de méthane et géolocalisé leurs responsables. Ces données seront exploitées par le Programme des Nations unies pour l'environnement. Mais certains résistent .
La carte sera dévoilée à Dubai, début décembre, devant les négociateurs de près de 200 pays lors de la conférence des Nations unies sur le changement climatique. Alors que cette COP28, qui se tiendra sous la présidence du sultan Al-Jaber, PDG de la compagnie pétrolière nationale d'Abu Dhabi, suscite déjà remontrances et commentaires acides, elle promet pourtant d'ébranler la diplomatie climatique. Car sur cette carte apparaîtront, en gros spots rouges sur fond noir, certains des plus importants pollueurs de la planète - jusqu'à présent passés sous les radars-, géolocalisés "avec une précision de 20 mètres", confie le président de Kayrros, start-up française devenue incontournable dans l'analyse climatique et énergétique des images satellites.
En ce début novembre, il achève, avec 1'Observatoire international des émissions de méthane (IMEO) sous l'égide de l'ONU, de consolider ses données.
"Elles sont saisissantes". "Nos satellites sont capables de détecter les grandes fuites de méthane supérieures à une tonne par heure - qui, si les entreprises adoptaient de bonnes pratiques, ne surviendraient jamais. Il y en a énormément... Depuis la dernière COP, on a identifié quatre à cinq "super-émetteurs" par jour, qui ont relâché dans l'atmosphère, à chaque fois, entre 20 et 400 tonnes de méthane par heure. C'est colossal !"
"Sans action sur ce gaz, nous devrons stopper nos émissions de CO₂ d'ici à 2045." (ONU)
OPPORTUNITE. « C'est un gaz dont la durée de vie est courte, une dizaine d'années, explique un climatologue (CEA) au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement.
Si on arrête d'en émettre, sa concentration dans l'atmosphère va descendre rapidement, à l'inverse du CO2, qui est là pour plus d'un siècle. On aurait donc un impact rapide sur la hausse des températures.» Un impact mesuré par l'IEA: une réduction de 30 à 40% des émissions de méthane d'ici à 2030 permettrait de diminuer le réchauffement de 0,2 °C en 2050.
« En termes climatiques, c'est énorme, souligne celui qui est à la tête de l'Observatoire international des émissions de méthane de l'ONU. Sans action sur ce gaz, nous devrons stopper nos émissions de CO2, d'ici à 2045 pour espérer limiter le réchauffement à 1,5 °C. Mais si nous agissons, nous pouvons nous acheter un peu de temps, jusqu'à la fin des années 2050... Cela pourrait tout changer pour les pays en développement.» Or les moyens d'action existent...
Ils sont même d'une simplicité confondante. Les émissions anthropiques de méthane proviennent de différentes sources. Et si le débat public se focalise sur l'élevage et la fermentation entérique des ruminants, les rots des vaches représentent, à l'échelle planétaire, 25% un de ces émissions... contre 33.7% pour celles liées à la production d'énergie, selon le Global Methane Tracker (2023) de l'IEA. Pétrole, gaz, charbon... les fuites de CH4 interviennent à chaque étape de la production. L'extraction du charbon libère les gaz stockés sous terre, Bref: il fuit lors des forages gaziers et que pétroliers, s'échappe de tuyaux mal raccordés pendant son transport... Dans le meilleur des cas, le gaz qui s'échappe est "torché", c'est à dire brûlé lors de son rejet, et se transforme en dioxyde de carbone. Dans voit le pire des cas, le méthane est relâché dans l'atmosphère...
L'industrie des énergies fossiles en a recraché, à elle seule, 120 millions de tonnes en 2022. Et encore, prévient l'IEA, ce n'est qu'une estimation: les chiffres officiels seraient sous estimés de 70%.. Les satellites ont tout changé, grâce à des capteurs infrarouges. « Tout n'est pas encore visible. Nous ne couvrons pas l'offshore et une partie de l'Afrique, car pendant longtemps, on a traîné ce probleme de détection du méthane ». Les satellites ont tout changé, grâce à des capteurs infrarouges. « Tout n'est pas encore visible. Nous ne couvrons pas l'offshore et une partie de l'Afrique, car il y a trop de nuages. Mais nous en savons assez pour agir »
L'ACTION, justement, est relativement simple. "Les "torchages" de routine sont encore fréquents, alors qu'il suffirait de mettre un tuyau pour récupérer le gaz et le réinjecter dans un réservoir ou dans le réseau. De nombreuses fuites viennent juste de mauvaises connexions de pipes , que certains producteurs préfèrent ne pas réparer. Pourtant, récupérer le gaz pour le vendre plutôt que laisser s'échapper est rentable. Mais demande de l'ingénierie, de la connaissance, de l'organisation...
" Un changement de culture que certains pays ne sont pas près d'adopter. «Les données satellite prouvent que l'action est possible.
L'Arabie saoudite, par exemple, n'a quasiment aucune fuite. Mais au Koweit, on en a beaucoup ! ».
Parmi les pays les plus négligents, capables de laisser filer du méthane pendant des jours sans intervenir, se distinguent l'Algérie, l'Irak, le Turkménistan...mais aussi l'Australie ou les États-Unis, où du gaz de schiste est extrait de milliers de puits quasiment sans contrôle.
" Les grandes compagnies américaines, comme Chevron, Cheniere ou Dominion, ont déjà fait de vrais efforts "...